Un rapide sondage autour de vous aujourd’hui sera sans doute sans appel : personne n’aura probablement jamais vu un film de Just Jaeckin, et pas même Emmanuelle, le film érotique aux 100 millions d’entrées qui fit plusieurs fois le tour du monde à partir de sa sortie en 1974.
En revanche, tout le monde a déjà vu un fauteuil en rotin. Passés les premiers ricanements à cette évocation, c’est peut-être là la qualité première à pointer chez Just Jaeckin : un œil de directeur artistique hors pair, et un don pour l’air du temps. Surfant sur les prémisses de la libération sexuelle et la libéralisation naissante du tourisme, annonçant l’ère «sea, sex and sun» et l’avènement du Club Med, Emmanuelle invitait Monsieur et Madame tout le monde à rêver d’exotisme de pacotille et d’une existence d’expatrié oisif, passée en petite culotte en dentelle anglaise à l’ombre d’une feuille de palmier et de paravents en osier. Et il suffit d’aller faire un tour chez Maisons du monde ou sur n’importe quel compte Instagram d’une influenceuse déco pour se rendre compte de la trace laissée, près de cinquante ans plus tard, par l’univers du film. Plus qu’une esthétique, Just Jaeckin a donc réussi à fixer dans Emmanuelle une imagerie d’une puissance fantasmatique telle qu’elle perdure encore aujourd’hui : ce n’est pas rien.
Rêverie érotique
Photographe de formation, collaborateur