Menu
Libération
Maniaco-dépression

Kirill Serebrennikov au festival d’Avignon: le creux et la bannière

Article réservé aux abonnés
Malgré une mise en scène spectaculaire, le Russe et opposant à Poutine, qui inaugure le Festival d’Avignon, rate son adaptation libre du «Moine noir» de Tchekhov.
«Le Moine noir» d’après Anton Tchekhov, de Kirill Serebrennikov. (Christophe Raynaud de Lage/Christophe Raynaud de Lage)
publié le 8 juillet 2022 à 16h57

Mais qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’on rêve, cauchemarde, est-ce qu’il y a vraiment sur la magnifique et gigantesque scène de la cour d’honneur du palais des Papes une douzaine d’hommes qui entreprennent de former une ronde et s’amusent comme des petites filles devant un miroir à tourner sur eux-mêmes pour faire voltiger les volants de leur jupe noire ? Auparavant, ils ont fait de grands moulinets des bras avec des loupiotes dans la main du plus bel effet lumineux dans la nuit, provoquant des réminiscences de spectacles de fin d’année de maternelle ou d’école primaire, notre cœur balance entre les deux. Mais qu’arrive-t-il ?

Le public a l’air d’apprécier, il tient bon, il ne proteste pas, il ne quitte pas les gradins, malgré le vent, l’heure, malgré surtout la désolation chorégraphique, les spectateurs de théâtre sont de vieux résistants de l’endurance, le pléonasme ne nous fait pas peur, tant on peut tout leur faire supporter. Est-ce qu’on est les seules au monde à ne plus rien comprendre à ce qu’on voit sur scène, à moins qu’on soit tout simplement prises d’hallucinations ? Cela fait combien de fois que ces gens, de fantastiques acteurs soit dit en passant, répètent les mêmes phrases, rejouent la même pièce qui se délite et se ralentit au fil des copies – il y en a quatre ? Mais qu’est-ce qui se passe ?

Esprit survolté

Tout n’avait pourtant pas si mal commencé. Et notamment, on avait été soufflées dès les premières minutes du spectacle par l’aisance incroyable et si rare de Kirill Sereb