Au départ, il y a un appel. Un cri du cœur lancé en juin 1965 et qui résonne assez joliment aujourd’hui. «Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus profond, les petites et moyennes entreprises font faillite et les prix augmentent en raison des effets de la politique misant sur la forte croissance. Le nombre de chômeurs va augmenter de façon spectaculaire […]. Il y a un besoin évident d’exprimer le mécontentement du monde sous la forme de dessins. Jusqu’à présent, il y a eu un vide dans l’émergence de nouveaux mangakas. Il est temps qu’une nouvelle génération apparaisse.» Signé Sanpei Shirato, auteur immensément populaire qui publie alors la série Kamui Den dans laquelle il relit le Japon féodal à travers le prisme de la lutte des classes, le message vise à donner un second souffle à la revue Garo qu’il a cocréé un an plus tôt. A l’automne 1965, la revue s’ouvre à quelques nouvelles signatures. Parmi elles, une jeune femme de la préfecture de Hogyo, Kuniko Tsurita. Elle n’a pas 20 ans et devient la première femme à intégrer la rédaction d’un mensuel en passe de devenir le siège d’une nouvelle avant-garde de la bande dessinée.
Il aura fallu plusieurs décennies pour que l’éclat de Kuniko Tsurita parvienne jusqu’à nous. Avant qu’on ne puisse, exquise surprise, apprécier aujourd’hui la magnificence de son trait sur les murs du centre Pompidou, où s’étale une splendide séquence d’originaux dans le cadre de