Au loin, au bout de l’allée centrale des Giardini, face à l’entrée de la 60e Biennale de Venise, la fresque, réalisée par le collectif d’autochtones amazoniens Movimento dos Artistas Huni Kuin (Mahku) sur la façade du pavillon central, trace l’errance badine et paisible de poissons et de toucans dans un paysage bariolé d’orange, de bleu et vert. L’œuvre au dessin rondelet donne d’emblée le la de la nouvelle édition de cet événement prescripteur dans l’art contemporain depuis cent-vingt-neuf ans : une place de choix y est faite aux artistes qui en avaient si peu ou aucune parmi nous, les Occidentaux. C’est une proposition curatoriale forte et tenue de bout en bout des deux grandes expositions internationales se tenant, l’une au Giardini, et l’autre, à deux pas, à la Corderie, qui anime l’esprit de cette Biennale où Adriano Pedrosa, son commissaire brésilien, tire le fil d’une histoire de l’art moderne alternative, qu’il a déjà pu tisser lorsqu’il était directeur du Musée d’art moderne de São Paulo.
Le titre de cette édition, «Etrangers partout», est emprunté à celui d’une œuvre du duo d’artistes Claire Fontaine, qui inscrit ces mots en une myriade de langues sur des néons de couleurs, qui citent eux-mêmes le nom d’un collectif turinois luttant, au début des années 2000, contre la xénophobie en Italie. L’exposition prend ainsi un ton politique prononcé en privilégiant massivement pour son casting les autres, les outsiders, les mis à l’écart, ceux que l’histoire de l’art, le mar