Si on engloutit toujours plus de films d’époque et de robes à crinoline sans trop se poser de question, le théâtre, lui, continue de devoir se justifier de revenir à ses classiques. L’un des charmes de la nouvelle création de Lucile Lacaze tient alors justement au fait qu’elle refuse de s’embarrasser de l’injonction à «dépoussiérer Beaumarchais» ou à révéler le «caractère atemporel» de sa satire sociale. La jeune metteuse en scène préfère savourer la langue fleurie du XVIIIe siècle et jouer à l’élastique avec les grosses ficelles de la farce.
Ce n’est pas que la dimension politique du Mariage de Figaro ne l’intéresse pas, bien au contraire. Après son adaptation de Mesure pour mesure de Shakespeare (prix Incandescence 2024), elle poursuit son enquête théâtrale à la croisée des violences de genre et de classe. C’est seulement qu’elle fait confiance au texte, et par extension aux spectateurs. Glissée dans le programme de salle, la définition sur feuille volante du «droit de cuissage» – «aussi appelé droit de la première nuit, il réserve au seigneur le dépucelage d’une jeune mariée lors de sa nuit de noces» – vaut pour information autant qu’avertissement et grille de lecture : débrouillez-vous avec ça, maintenant place au jeu.
Une histoire de pouvoir
Ce fameux privilège féodal, que le comte d’Almaviva souhaite restaurer à l’occasion du mariage de son valet Figaro avec Suzanne, est en effet le point de départ de toute une série d’intrigues enchevêtrées, chaque personnage