Comme les contes de l’enfance, des frères Grimm ou d’Andersen, certains films sont des cauchemars auxquels on a du mal à pardonner. A raison ou à tort, dans les abîmes de l’imaginaire il n’est pas toujours facile de distinguer entre la violence inutile et la catharsis de choc. Ainsi nous arrive la Jeune Femme à l’aiguille, film détesté, film estimé, selon qu’il a été vu en sélection officielle à Cannes ou à l’Etrange Festival – parce que pas le même délire, pas le même horizon d’attente culturelle.
Un film beau et déplaisant, mal aimable, est-il forcément détestable ? On dévoilera du récit aussi peu que possible pour laisser la surprise. Ce qui arrive à Karoline, l’héroïne calamiteuse, rappelle les destins acharnés chez D. W. Griffith et Tod Browning, et est si stupéfiant qu’on laisse au spectateur le choix de se scandaliser ou de se réjouir, confronté à la beauté très sombre du film. On tient en sa faveur qu’il se sauve en sauvant l’héroïne. Qu’après tant d’abominations, la dernière scène – l’étreinte d’une femme et d’une orpheline – retentisse d’une note d’espoir, lumière livide, un peu monstrueuse, happy end par aberration. Ça change tout, contredit le nihilisme supplicié dont le film semblait tirer plaisir jusqu’alors, à la Lars von Trier. Au fait di