On les avait quittés il y a une douzaine d’années, et les voici qui reviennent comme dans un songe. Ce sont les mêmes, les mêmes acteurs dans les mêmes rôles, les mêmes mots, les mêmes obsessions, mais lestés du poids des années, comme cette femme qui, inlassablement – qu’elle ait 30, 50, 60 ans – éprouve le besoin de faire croire et de se persuader qu’elle est mère et convoque une nouvelle baby-sitter afin qu’elle garde son enfant fictif. Lors de sa création à l’Odéon-Berthier, la Réunification des deux Corées écrit et mis en scène par Joël Pommerat était un triomphe, le genre de spectacle où il est impossible de dénicher une place, ce qui n’est pas si fréquent au théâtre. Et c’était un triomphe paradoxal porté entièrement par des situations familières et étranges d’échecs. Les acteurs – Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu – fabuleux de subtilité, tous partie intégrante de l’aventure de Joël Pommerat depuis ses débuts, avaient l’âge des situations qu’ils jouaient. On recevait de plein fouet cette traversée cruelle et épurée des émotions les plus partagées.
Intense mélancolie
Est-ce seulement possible ? Une douzaine d’années plus tard, la pièce, constituée d’une succession de scènes qui portent sur le délitement des liens amoureux, la crainte de l’abandon, l’aridité d’une vie sans amour, est devenue encore plus poignante. L’oripeau des années écoulées teinte le noyau même de la