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Théâtre

«L’Amante anglaise» à l’Odéon, Emilie Charriot sur les mystères de Duras

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Adaptation du grand texte de l’écrivaine française, inspiré d’un fait divers au mitan du XXe siècle, la pièce d’Emilie Charriot, à la mise en scène inquiétante et piquée d’humour noir, retrace l’interrogatoire d’une femme accusée d’un meurtre aux motifs insaisissables.
L’espace scénique de «l'Amante anglaise» est conforme à ce que voulait Duras : un plateau nu, avec deux chaises qui se font face. (Photo /Sébastien Agnetti)
publié le 25 mars 2025 à 14h26

En 1949, une femme nommée Amélie Rabilloud tue à coups de marteau son mari, puis le dépèce et répand peu à peu les morceaux à Savigny-sur-Orge, dans l’Essonne, tout en allant faire comme d’habitude des ménages. Trois ans plus tard, Marguerite Duras lit dans le Monde le compte rendu de son procès par le chroniqueur Jean-Marc Théolleyre : «Sous la morne lumière de la salle des assises de Versailles, Amélie Rabilloud vient d’entrer. Elle n’a rien pour elle que son insignifiance. Tout est médiocre, pauvre, ingrat : les cheveux au teint de cendre, le regard passif sous des paupières épuisées, la joue sans relief et, sous la peau jaunâtre, contre l’oreille, ce muscle qui périodiquement se contracte comme un tic. Dès l’entrée, on devine que cette accusée sera maladroite, qu’elle ne saura pas répondre, que sous ce crâne affolé une seule idée simpliste doit tournoyer.» Une débile, une folle ? Jamais elle ne sera capable d’expliquer son crime. Elle dit une fois qu’elle n’en pouvait plus, ni de l’homme ni de sa vie. Un jour, montrant un marteau, il lui a dit qu’elle avait le crâne si fragile qu’il pourrait le lui casser. C’est ça, dit-elle, qui lui a donné l’idée d’utiliser l’outil. Elle a pris du gardénal dans les jours qui ont suivi le meurtre. Sinon, rien. Mais lui a-t-on posé les bonnes questions ?

Il n’est pas inutile d’avoir ce portrait – cette trace sociale – en tête quand, dans la seconde partie de