Sur le plateau, ils sont trois plantés là, un peu gauches, un peu guindés, à reproduire les gestes de coutumes qu’ils ne comprennent pas vraiment, comme un vêtement qu’on enfilerait sans trop savoir comment le porter. Les leurs, de vêtements, sont d’ailleurs à l’envers, étiquettes apparentes, et ce détail dit tout du déplacement dont il va être question : en observant depuis un pas de côté ce qui compose notre quotidien, le Beau Monde rend à la fois étrange et étranger ce qui nous est profondément familier.
Que restera-t-il de notre monde dans celui d’après, quand tout ce qui fait notre civilisation aura disparu ? Dans un futur lointain, des «rituels de mémoire» se tiennent tous les soixante ans pour étudier les fragments du passé et transmettre ainsi les dernières traces d’une société éteinte. De ces porteurs de rituels on ne saura rien, ni qui ils sont ni d’où ils viennent : tout juste leurs expressions, interactions et langages corporels sont-ils suffisamment autres pour signifier l’absence de référentiel commun à notre culture contemporaine.
Notion de relativité
Des pierres blanches de différentes tailles matérialisent ces fragments de mémoire, cailloux de Petit Poucet qui ont traversé l’histoire. Elles jonchent le sol du plateau, principal élément d’un décor épuré. Tour à tour, les comédiens s’en saisissent et libèrent ces précieuses bribes de souvenirs. Ce peut être «le football», «l’alpinisme» ou «le théâtre», mais aussi «le vote», «le baiser», «l’héritage». <