«Notre plus gros souci, c’est que nos réalisateurs iraniens ne peuvent pas venir», déplore Nader Takmil Homayoun président de l’association qui organise depuis douze ans le festival parisien Cinémas d’Iran. Six jours au Nouvel Odéon, où le septième art iranien s’exprime sous toutes ses formes et dans tous ses courants. Des réalisateurs en exil, mais aussi certains vivant toujours en Iran viennent chaque année montrer leur travail à un public français souvent passionné par ce cinéma.
Ce mercredi 18 juin, le festival va donc s’ouvrir dans une ambiance grave, alors qu’à 2000 kilomètres de là, la guerre lancée par Israël contre la République islamique fait rage. «La douzième édition du Festival Cinéma(s) d’Iran s’ouvre dans un contexte tragique», écrivent les organisateurs dans un communiqué à paraître sur leur site. «Évidemment, nous nous sommes posé la question : fallait-il maintenir le festival, alors que des bombes tombent chaque jour sur la tête de nos compatriotes ? Après mûre réflexion, nous avons décidé de continuer. Car montrer ces films, c’est refuser de se taire. C’est tendre un miroir honnête et libre, loin du vacarme médiatique, loin des manipulations.»
Le festival s’ouvrira bien ce mercredi soir, même en l’absence du réalisateur Majid-Reza Mostafavi, qui devait présenter son film Un homme inoffensif. Une intervention par téléphone avait été envisagée, mais la liaison est difficile. De plus, le réalisateur tient à être sur le terrain pour aider ses compatriotes. Sahand Kabiri, réalisateur de La Foule, n’a pas pu non plus faire le déplacement. Mais les autres cinéastes, exilés, seront présents pour échanger avec le public. «Ce sera un lieu de rencontres, on pourra se parler, on pourra se retrouver autour de films qui certes ne parlent pas directement de la guerre mais parlent tout de même de l’Iran», relate Nader Takmil Homayoun lui-même cinéaste.
Et nul doute que les débats seront vifs dans les allées du cinéma, car les Iraniens en exil sont divisés face à cette intervention. Certains se réjouissant de l’attaque extérieure pouvant faire tomber un régime honni, d’autres refusant cet interventionnisme étranger qui peut mener au chaos et entraîner de nombreuses victimes civiles. Nader Takmil Homayoun ne veut pas épiloguer mais se contente de rappeler que «les expériences contemporaines ont montré que lorsque les étrangers se sont mêlés d’un changement de régime, cela a toujours été une catastrophe. Dans la population, les gens ne veulent pas ce changement vienne de l’extérieur.»
Entretien
Le festival dont la programmation a été faite par Yahya Natanzi et Nahâl Khaknegar fait cohabiter les réalisateurs connus et des plus confidentiels. En clôture du festival, impossible de faire l’impasse sur la Palme d’or 2025, un Simple accident de Jafar Panahi, et sur le film de Saïd Roustaee Woman and Child, tous deux sélectionnés cette année à Cannes en compétition officielle. «Une palme d’or donne une visibilité énorme au cinéma iranien, qui va faire du bien à tous les cinéastes, quel que soit leur genre», se réjouit Nader. «Le premier prix du cinéma postrévolution islamique a été obtenu il y a 40 ans, jusqu’à cette Palme d’or aujourd’hui. Ce n’est plus une nouvelle vague, ce n’est plus un cinéma produit uniquement par les circonstances politiques, sociales et culturelles d’un moment. Au bout de quarante ans, on a la preuve d’un cinéma réellement riche dans ce pays.»
Une programmation à retrouver du 18 au 24 juin, au cinéma Le Nouvel Odéon, 6, rue de l’École de Médecine, Paris 6e.