La partie commence avec un jeu d’échecs fabriqué par Man Ray en 1962 le long duquel courent des mots comme une comptine : «Le roi est à moi /la reine est la tienne /la tour fait un four /le fou est comme vous…» Un peu plus loin, le prototype d’un jeu d’échecs de poche conçu par Duchamp en 1944, grand comme un porte-cartes, que l’artiste devenu joueur professionnel voulut un temps commercialiser. Tarot, dés, échecs… le jeu fut d’abord, et très concrètement, au cœur de la sociabilité des surréalistes, rappelle l’exposition «Surréalisme, le Grand jeu» qui se tient au musée cantonal des beaux-arts de Lausanne à l’occasion des 100 ans du Manifeste du surréalisme de 1924.
Chemins de traverse
Ils jouaient aux cartes, ils jouaient aux cadavres exquis et aux «dessins communiqués», un dessin tracé par l’un est reproduit de mémoire par l’autre et ainsi de suite, donnant lieu à des déformations à la manière d’un «téléphone arabe». Mais le jeu est aussi plus que cela chez les surréalistes : une «pensée collective», «un mode d’être au monde», écrivent les commissaires de l’exposition Juri Steiner et Pierre-Henri Foulon. Automatisme, gribouillages, hasard, jeux de langues et de mots, magie, contes, monstres et métamorphoses. Le jeu comme modélisation du monde, comme outil de recréation ou travail de sape. Le jeu dans toute sa légèreté, ses enfantillages – mais aussi son drame, au sens théâtral : «Le grand jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu’une fois. Nous voulons le jouer à t