Noir profond, ombres allongées des passants vus d’en haut, sourires de chats et d’une chouette caressée comme félin, animaux-signature de Chris Marker, le cinéaste écrivain qui aimait ne pas se montrer. Cris 100 % masculins à la Bourse de Paris, intérieur d’un bidonville à Nanterre éclairé par une télé qui diffuse des images de soucoupes volantes, promesse de bonheur dans «un grand ensemble» qui vient d’être érigé. Des jeunes couples pris au vol, un marchand de vêtements, et tant d’autres rencontres parisiennes en tous lieux, dans la rue, dans le métro, dans les cafés, toutes classes sociales attrapées, et cette question répétée sous forme de fil conducteur : qu’est-ce que vous retenez de ce mois de mai 1962 ? Doublée d’une autre : c’est quoi le bonheur, cette «idée neuve» maintenant que la guerre est finie ?
Comme sur tous les documentaires cultes, le regard sur le Joli Mai, cosigné par Chris Marker et le chef opérateur Pierre Lhomme, se modifie au fil des décennies, l’œil ne s’arrête jamais sur les mêmes images, l’oreille sur les mêmes propos. Le film saisissait, en mai 1962