Une lueur d’espoir dans un ciel morose ? Ou carrément une franche bonne nouvelle susceptible d’avoir des répercussions sur d’autres scènes victimes de coupes budgétaires ? Le Tribunal administratif de Lyon vient de condamner la région Auvergne-Rhône-Alpes à une indemnisation de 149 000 euros au Théâtre nouvelle génération (TNG) pour refus irrégulier de versement de financement culturel. Et pour quelle raison, ce refus ? Parce que le metteur en scène Joris Mathieu qui à l’époque dirigeait le TNG, par ailleurs élu au bureau du Syndeac (premier syndicat des entreprises du spectacle vivant public) avait manifesté publiquement des critiques à l’égard de la politique culturelle menée par le président de la région qui était à l’époque le très droitier Laurent Wauquiez. Il évoquait une région «gouvernée par une culture de la peur» et de la part de Wauquiez et ses équipes «une entreprise délibérée de déstabilisation du fonctionnement d’institutions publiques culturelles».
Immédiatement, la région a alors décidé de rompre unilatéralement la convention qui la liait au théâtre pour les trois ans, de 2022 à 2024. Sophie Rotkopf, vice-présidente déléguée à la culture de la collectivité, s’était montrée particulièrement virulente contre Joris Mathieu : «Il n’a de cesse de mépriser la région et à travers sa démarche, il méprise tous les habitants en dehors de la métropole lyonnaise.»
Restriction de la liberté d’expression
Le juge a tranché qu’une collectivité qui a signé une convention ne peut se soustraire à ses engagements que sur un motif légal. En l’occurrence, l’engagement à faire bonne communication du soutien de la région se limitait à une notification sur le logo au sujet du soutien financier apporté. Mais que la région ne pouvait attendre en contrepartie de son financement une restriction de la liberté d’expression à titre individuel ou syndical. Autrement dit, explique Joris Mathieu, aujourd’hui coprésident du Syndeac, «la subvention ne peut pas être utilisée comme une pression».
Franche bonne nouvelle, donc, car le jugement forme une sorte de jurisprudence. Joint au téléphone, Joris Mathieu poursuit : «Le Syndeac est en train de recenser les cas où des scènes auraient subi une sanction financière ou une rupture abusive des conventions en raison d’une expression critique.» La somme de 149 000 euros correspond à l’intégralité de la subvention qu’aurait dû être versée au TNG pour l’année 2023. Une autre procédure est en cours pour l’année 2024.