Le premier long métrage de Rana Kazkaz et Anas Khalaf reconstitue les premières semaines de la révolution syrienne, en mars et avril 2011, du point de vue d’un personnage de fiction : le traducteur du titre, Sami (Ziad Bakri, vu dans le Bureau des légendes), un homme taiseux qui s’est toujours «caché derrière les mots des autres», d’après le reproche qui lui est fait plusieurs fois, et dont le trajet consistera à prendre enfin la parole, pour lui-même et pour son peuple, au moment du plus grand danger. Ce recours à la fiction, au récit d’une trajectoire individuelle dont l’enjeu – ne plus se taire – est psychologique, ou psychanalytique, aussi bien que politique (où l’un est la métaphore de l’autre), est une ruse à double tranchant.
D’une part, elle rend vraiment possible quelque chose de difficile, la reconstitution réaliste d’un moment décisif de l’histoire, parcourue par les grandes forces de l’espoir et de l’effroi, comme un frisson sur l’échine du présent (celle du film, celle des spectateurs) : aussi bien un encouragement adressé au passé, envoyé depuis l’avenir, qu’un avertissement à l’avenir depuis le passé massacré. D’autre part, l’artifice de la fiction, comme réorganisation du passé sous la forme du destin, révè