Ce n’est pas un film mais une rencontre avec le sacré. Pour un peu on en deviendrait mystique. On se laisserait traverser par la lumière. On renoncerait à comprendre. On fermerait les yeux, le cortex directement connecté aux images, ou ce qu’il en reste après leur passage. L’influx nerveux raccordé aux fulgurances rétiniennes dont l’œil est captif, la beauté étoilée en poussière étincelante jetée au visage, révélant un univers archaïque, un autre monde frémissant. Tel est Sergueï Paradjanov : un marchand de sables mouvants, un dealer de rêves flottants, un grand artificier de splendeurs absconses, un cinéma d’enluminures, de collages baroques et d’icônes orientales, un poète de la matière, archéologue de mondes engloutis sous l’empire soviétique, des Carpathes ukrainiennes au Caucase arménien et géorgien, mais dont l’ethnologie serait au fond le cadet de ses soucis. Alors quoi ? Un cinéaste primitif, «de ceux, disait Daney, qui font comme si personne avant eux n’avait filmé».
C’est avec les Chevaux de feu (1965), son cinquième film et le premier affichant cet éblouissant formalisme lyrique, rompant avec le réalisme social hérité de Dovjenko, que Paradjanov accède à une renommée internationale. Adapté d’une nouvelle de l’Ukrainien Mykhaïlo Kotsiou