Sur le moment, Benoît a juste trouvé le cahier des charges «un peu étrange» : prononcer la même phrase devant son micro avec des intonations différentes, en chuchotant ou en hurlant, en variant d’émotion. Aujourd’hui, à l’heure où ChatGPT et Midjourney ont été démocratisés, l’exercice paraît inconscient. Mais la session d’enregistrements a lieu en mars 2022, soit la préhistoire à l’ère des intelligences artificielles (IA) génératives. Alors Benoît, comédien de doublage pour les secteurs du documentaire et du jeu vidéo, ne se pose pas de questions : il fait confiance au studio G4F d’Angoulême, l’intermédiaire qui l’emploie pour le compte d’une start-up milanaise, Voiseed. Lui et une trentaine de confrères ont plus ou moins compris que la session servirait à des fins de formation et de recherche. Benoît répète donc la même phrase en mille et une couleurs : calme, ironique, en colère. Le doute ne se répandra qu’un an plus tard dans le réseau français : à quelle fin ces comédiens ont-ils exactement cédé leurs droits ? Ce serait un comble de comprendre qu’ils ont entraîné une machine vouée demain à les remplacer sur le marché.
La «psychose» s’est emparée des professionnels de la voix (doublage, traduction, voix off) l’an dernier, dans l’ombre des projecteurs alors braqués sur ChatGPT. Au studio de doublage Imagine d’Issy-les-Moulineaux, cela fait bien quinze ans que Jean-Philippe Content entend parler de ces IA vocales, censées simuler les moindres modulations de l’é