Tout en haut d’une majestueuse volée d’escaliers blancs aux marches larges comme le plateau, émerge une tête chevelue, puis un corps, bondissant lentement comme un funambule au ralenti. Voici Saïd, un jeune homme du village ; sa mère, mi-sorcière mi-saltimbanque, portant deux chaussures à talons dépareillées, l’accompagne. Aujourd’hui, Saïd doit épouser Leïla, la fille la plus laide de la région, alors que le village est menacé par la violence, celle d’un oppresseur bien décidé à rester sur des terres qui n’ont jamais été les siennes. Ce temps comme suspendu avant la catastrophe, c’est celui des Paravents, pièce-monstre, texte gigantesque peuplé de dizaines de personnages et troué de didascalies poétiques, écrit par Jean Genet en 1958 en pleine guerre d’Algérie. Un texte redoutable pour qui veut le mettre en scène, qui contraint aux coupes, et qui confronte aussi à une histoire devenue mythique : celle d’une première donnée en 1966, chahutée jusque sous les ors du Théâtre de l’Odéon par une jeunesse conservatrice agrippée à l’idée d’une Algérie française. Une pièce disputée partout, défendue par Malraux lui-même devant l’Assemblée nationale, que seul Patrice Chéreau sut ensuite se coltiner dans un grand spectacle en 1983. Gageons que cette proposition d’Arthur Nauzyciel, quarante ans après, posera un troisième jalon dans l’interp
Théâtre
«Les Paravents» : au théâtre de l’Odéon, la nouvelle jeunesse de Genet
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Nauzyciel a misé sur un décor unique, une volée d’escaliers où les personnages évoluent tableau après tableau. (Philippe Chancel)
par Lucile Commeaux
publié le 4 juin 2024 à 19h10
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