La poétesse et romancière israélienne Tehila Hakimi a écrit ce livre avant le 7 Octobre, mais on a l’impression d’y trouver des allusions au pogrom de 2023. Ainsi lorsqu’une Américaine demande des nouvelles de son pays natal à la narratrice, une Israélienne expatriée aux Etats-Unis depuis un an pour son travail : «“C’est toujours tendu”, lui ai-je répondu à contrecœur.» Ailleurs, la narratrice remarque, avant de monter dans un avion qui l’emmène en Amérique : «J’ai inspiré l’air du soir, l’air étouffant et moite de l’été, tout était très humide et un peu crasseux. Comme toujours, l’été en Israël avait une odeur de cadavre.» Ce «toujours» reste ouvert à plusieurs interprétations. L’une des prouesses de ce roman consiste à entretenir l’équivoque tout en étant précis, d’une netteté chirurgicale.
16 Parties de chasse, beau texte singulier, sobre, aussi tendu que l’est Israël, se compose de chapitres brefs qui débutent presque tous par ce morceau de phrase : «La première fois que j’ai tiré en Amérique…», puis «La deuxième fois que j’ai tiré en Amérique…», et ainsi de suite jusqu’à la seizième fois. Ce décompte, ajouté au balancement du style entre le flou et l’exactitude, créent une inquiétude, l’attente d’un événement grave qui se produit finalement, sans qu’il soit celui que l’on redoutait. La narratrice, cadre dans une grande entreprise, est envoyée aux Etats-Unis lorsque s’ouvre le livre ; on ignore dans quel Etat elle s’installe. Elle