A Nahal Oz, c’était le genre de journée qui aurait dû rappeler à Amir Tibon «pourquoi nous avions choisi de vivre ici». Un habitant le résume avec cette ingénuité – ou cette inconscience – qui paraît caractériser beaucoup d’entre eux : «C’était beau et vert, le loyer était bon marché, et ils m’ont laissé amener mon chien avec moi.» Bref, un trou de verdure où travaillent et chantent les heureux du monde, mais pas tout à fait : à moins d’un kilomètre, c’est Gaza, sa misère et sa haine de tous ces braves gens. Comme aurait dit Fitzgerald, l’envers du paradis.
Le 7 octobre 2023 à l’aube, le journaliste israélien de 35 ans travaillant pour le quotidien Haaretz est secoué par sa femme réveillée par un bruit d’obus. Le chant strident des roquettes, ils y sont certes habitués. Ils vivent depuis 2014 avec leurs deux fillettes qui ont grandi dans ce kibboutz, «communauté frontalière» de 450 résidents, fondée en 1953 par des pionniers âgés de 20 ans : l’un d’eux y vit encore. Amir Tibon fait son tendre portrait admiratif, comme il fait celui de bien d’autres : comment parler autrement des victimes de tant d’horreurs et de leurs proches ? La guerre intermittente entre Palestiniens et Israéliens a rythmé, au cours des années, la vie de ce lieu tellement sympa. Personne ou presque, ici, n’a jamais voté pour Nétanyahou. Amir Tibon se définit au début de son livre comme «plutôt de gauche», et, à la fin, en dépit de son dégoût pour le gouvernement i