1. Chaque semaine, coup d’œil sur l’actualité poétique. Retrouvez tous les articles de ce rendez-vous ici.
2. «Transformation de la condition humaine dans toutes les branches de l’activité» est l’extrait d’un discours de De Gaulle, prononcé le 4 octobre 1962 à propos de l’élection du président de la République au suffrage universel.
3. C’est aussi le titre du dernier livre de Frédéric Forte.
4. Il s’agit d’un recueil de «99 notes préparatoires».
5. La forme des 99 notes préparatoires se situe «entre le poème et l’essai», explique le site de l’Oulipo, dont Frédéric Forte est l’un des membres.
6. Elle se présente comme une liste, numérotée, de phrases circonscrivant peu ou prou le sujet annoncé dans son titre.
7. Par exemple, dans le livre de Frédéric Forte, les 99 notes préparatoires au Pays des merveilles mêlent notations du poète, citations de Lewis Carroll et extraits du dictionnaire les Mots de la géographie.
8. C’est une forme qu’on pourrait dire faite de mélanges, proche parfois de celle des miscellanées.
9. (A ce stade, le lecteur de cet article se demande si l’auteur de cet article poussera le bouchon jusqu’à écrire lui aussi 99 notes.)
10. (A ce stade, l’auteur de cet article se le demande aussi.)
11. (Ne mentez pas : vous venez de scroller pour aller vérifier si l’auteur de cet article a réussi son pari.)
12. Frédéric Forte est né à Toulouse en 1973. Il est membre de l’Oulipo depuis 2005.
13. C’est à lui qu’on doit cette forme des 99 notes préparatoires ; une forme assez souple en guise de contrainte.
14. Elle est, dit-il dans le livre, «ce qui se rapproche le plus, en poésie, de la pensée (la mienne)».
15. Souple, peut-être, mais elle doit néanmoins répondre à son intitulé : elle doit donc comporter 99 notes (mon dieu, se dit l’auteur de cet article : encore 84).
16. Pourquoi 99 ? C’est un chiffre très oulipien : il existe 99 exercices de style chez Raymond Queneau, 99 chapitres à la Vie mode d’emploi, de Georges Perec, etc.
17. Dans Transformation de la condition humaine dans toutes les branches de l’activité, on compte quatorze poèmes répartis en deux quatrains et deux tercets (avec un interlude au milieu) : le livre obéit ainsi à la structure classique d’un sonnet.
18. (Ne serait-il pas plus raisonnable d’abandonner cette tentative absurde d’atteindre ici les 99 notes préparatoires et d’écrire plutôt un bon vieil article ?)
19. (Mais, allons, allons : s’il existe une forme poétique qui se prête à la matière du journalisme, c’est bien les 99 notes préparatoires.)
30. Le livre n’est pas un traité sur chacun des sujets qu’il aborde ; il suit plutôt le chemin d’une pensée : il fait part ainsi, en quelque sorte, d’une plus grande vérité, rendant compte des choses telles qu’elles nous apparaissent quand on se penche dessus.
31. C’est-à-dire avec le zapping permanent de notre cerveau.
32. Le livre de Frédéric Forte aborde plusieurs «branches de l’activité» humaine : le «commerce de proximité», «l’idée du Nord», «un objet de mon bureau», «moi (en vrai)»…
33. Sans oublier un poème (hilarant) consacré à la série policière allemande le Renard.
34. «Faire l’expérience suivante : visionner un épisode du Renard par jour pendant 355 jours puis prendre 10 jours de vacances en Bavière.»
35. (Qui a remarqué que nous étions subtilement passés de 19 à 30 ? Personne.)
36. Le livre de Frédéric Forte avance des grandes vérités : «Le monde est rond et le commerce de proximité, parallélépipédique.»
38. Ou encore : «On peut toujours cliquer mentalement sur un nuage : il ne se passe rien.»
41. L’un des poèmes du livre, 99 notes préparatoires à un livre de poésie contemporaine, est constitué, explique Forte, d’extraits de critiques de son premier livre (Discographie) écrites par des élèves de troisième.
43. Par exemple : «L’auteur semble vouloir reproduire de la musique avec des mots.»
49. Ou encore : «Il est certain que personne ne comprendra ce livre à part l’auteur et d’autres poètes.»
53. (Merci de faire abstraction de la numérotation. C’est une convention tout à fait dépassée.)
57. La forme des 99 notes préparatoires constitue elle aussi, très souvent, la matière même du poème : chacun est à la fois une illustration et une redéfinition de sa potentialité.
60. Comme dans les 99 notes préparatoires à une trahison : «Les 99 notes préparatoires à une trahison sont aisément traduisibles dans une langue ou une autre, aucun problème avec ça.»
63. Mais le livre comme la forme peuvent aussi être des trompe-l’œil : on pourrait croire qu’ils répondent à chaque fois à cet objectif de rendre compte d’une vérité.
68. Le poème des 99 notes préparatoires à moi (en vrai) constituerait alors une tentative autobiographique, dans laquelle Forte admettrait : «Il m’est arrivé d’humilier quelqu’un devant tout le monde.»
81. Ou encore : «Quand je me concentre, le monde peut s’écrouler autour de moi.»
86. Ou même : «Quand je sors le soir, je porte toujours des dessous très sexy.»
89. Mais le piège dans lequel on pourrait tomber est déminé dans les notes du livre : loin de la quelconque confession, l’auteur a intégralement prélevé les phrases de ce poème dans les questions d’un test psychologique à la noix.
91. C’est du moins ce qu’il affirme.
95. A noter que Frédéric Forte sera ce mardi 12 décembre à 19 heures à la Maison de la poésie de Paris pour présenter son livre.
97. (On y est presque !)
98. (De la triche ? Comment ça de la triche ?)