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Le Larousse donne une série de définitions de l’abandon. C’est, au choix, «l’action d’abandonner quelque chose ou quelqu’un ; l’état qui en résulte», «le fait de s’abandonner» ou encore «le fait de ne pas persévérer dans». Dans son nouveau recueil – le quatrième –, Abandons, paru cet été aux éditions de la Crypte, Hortense Raynal tente par la poésie de saisir ce qui en relève dans les échos ou réminiscences d’une enfance rurale dans l’Aveyron.
Ses poèmes, sorte d’instantanés, accrochent des restes d’images et opèrent par association d’idées. Exemples : «La vue de la ferme par le volet /pas une évidence et pourtant /comme une lumière de chambre et de champs à la fois» ou encore «les cloches des bêtes sonnent /la vie c’est là /la mort que je parle ailleurs /les cloches de l’église /souvent sonnent et /je trouve la vie sans ta présence».
La poétesse, qui continue de défricher une langue organique après Bouche-fumier (2024), Nous sommes des marécages (2023) ou Ruralités (2021), explore par là même l’état d’éloignement ou le déracinement de sa campagne natale, dont elle use de la musicalité nostalgique du dialecte. On pense aux mots et expressions, «tanous» (fleurs de choux), «buger le feu» (entretenir) ou «rabaler» (traîner, zoner), chargés de l’imaginaire d’une époque révolue.
Egalement, ses abandons interrogent en vers denses et économes ce qu’il est possible de garder (ou de voir disparaître) et ce qu’il faut sauver (ou à apprendre à perdre). Car l’écriture, et la poésie, est de ces choses qui permettent de questionner les limites (sensorielles, émotionnelles ou corporelles) des souvenirs, parfois leur faire un dernier adieu.
Hortense Raynal, Abandons, éd. La Crypte, 64 pp., 15 €.
L’extrait
on dit ça va au ciel
mais comme c’est faux
ça va au fond
s’enlise qu’on peut plus voir
mais qu’on peut sentir
c’est comme une présence à se défaire
à s’enlever
la mort ça va dans les marécages
comme c’est beau un marais
mais c’est la colère
dans les rares remous
qui cogne tamponne
vers les algues du fond
le soir le matin surtout le matin
quand tu cherches les îlots
en musique allons-y ;
dans la bourbe l’abandon