Les proclamations du Nobel de littérature, qui déjouent souvent les pronostics les plus fous, permettent d’élever sur la rampe des écrivains parfois trop peu connus. Ainsi de Abdulrazak Gurnah, récompensé jeudi pour son récit «empathique et sans compromis des effets du colonialisme et le destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents», dixit l’académie Nobel. Trois de ses dix romans ont été traduits en français, chez Denoël et Galaade, et ils sont épuisés. Le couronnement suédois permettra peut-être un meilleur accès à une œuvre qui explore l’empreinte du colonialisme et de l’immigration sur l’identité.
«Arrestations de masse»
Sa propre histoire constitue le creuset de son parcours et de ses textes. Né à Zanzibar le 20 décembre 1948, Abdulrazak Gurnah a près d’une vingtaine d’années quand son frère et lui fuient leur île natale au large des côtes de l’Afrique de l’Est pour le Royaume-Uni. Depuis quelques années, son pays est dans la tourmente après la révolution de 1964 qui a renversé le sultanat et établi une république sous l’égide de la Tanzanie voisine. «Dans les jours qui ont suivi la révolution, racontait-il dans une interview en octobre 2001 au Derby Telegraph, environ 11 000 personnes ont été tuées. Il y a eu des arrestations de masse, des gens ont disparu. C’était une époque effrayante et