La grand-mère Mari Cruz est morte. Problème, le cercueil est trop grand pour cette femme menue. Tout cela était prévisible : «à force de» rétrécir, elle risquait de «disparaître, et c’est ce qui s’est passé». Autre ironie du sort, cette ancienne foraine «n’avait pas ses lunettes, constate Marta, la cousine de la narratrice, hissée sur la pointe des pieds pour regarder par la fenêtre du funérarium. Elle a dit mais pourquoi personne n’a mis ses lunettes à mamie ? Où qu’elle aille elle ne verra rien. […] Ce n’était pas la perspective qu’elle ne la revoie plus qui lui faisait mal : ça, elle pouvait le tolérer. […] C’était qu’elle, notre grand-mère, ne puisse plus jamais nous voir.» Du côté de son père, il passe la nuit sur le canapé en simili cuir, «juste à côté de la pièce réfrigérée où gisait le corps de ma grand-mère». De peur de laisser partir «la fin de l’exceptionnalité» de l’Espagne des années 90 et sa mère car on oublie souvent «qu’ils ne sont pas seulement des pères, nos pères».
«Ce bidule qu’on appelle Erasmus»
La narratrice, qui se prénomme Ana Iris Simón comme l’autrice et ayant le même âge (32 ans), est dépassée par les événements familiaux et sociaux. Face à sa génération qui ne cesse de s’auto-féliciter pour la location d’une coloc au centre de Madrid à un prix exorbitant, elle semble être marginale. «J’envie l’existence qu’avaient mes parents à mon âge.» Eux avaient «des enfants, des emprunts et ils accédaient à la propriété» ;