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«Anna O» : Matthew Blake ou le mystère des crimes du sommeil

Dans un premier roman qui n’a rien à envier aux thrillers de Paula Hawkins ou Gillian Flynn, l’auteur britannique puise dans son goût des neurosciences pour tricoter une histoire pleine de suspense.
(skaman306/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 15 juin 2024 à 9h57

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Un peu de neurosciences sérieusement assimilées, d’inévitables secrets familiaux, des bribes du passé qui remontent en flèche et ce qu’il faut d’inquiétude pour exiger de tourner les pages, voici Anna O, thriller psychologique construit au cordeau avec une citation de Sylvia Plath en exergue et pas mal de références freudiennes pour faire bon poids.

D’un côté, on fait la connaissance d’un médecin spécialiste du sommeil, le professeur Benedict Prince, garçon compliqué mais astucieux avec famille en miettes et santé vacillante. De l’autre, sa patiente, Anna Ogilvy, qui ne s’est pas réveillée depuis quatre ans et joue les belles au bois dormant dans un hôpital-prison en attendant un procès hypothétique. Car Anna est suspectée d’avoir tué ses deux meilleurs amis à coups de couteau avant de plonger dans un sommeil qui n’en finit pas. A-t-elle agi comme une somnambule, s’agit-il d’une machination, d’un pur hasard, d’un «syndrome de résignation» ou d’une vengeance de longue haleine ? Il faudra bien 500 pages pour éliminer les fausses pistes et tricoter la bonne version de cette histoire qui multiplie les ramifications. L’intérêt principal du roman réside dans le «phénomène des crimes du sommeil» qui intriguera tous ceux qui passent leurs nuits à se retourner dans leurs lits et font de l’insomnie leur plus fidèle amie. Dans Anna O, ils ne trouveront pas de solution miracle ni de médicament pour soigner leur tourment mais resteront volontairement éveillés pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette pathologie qui plonge des hommes, des femmes et des enfants dans des états léthargiques et comateux. Dormir pour ne plus souffrir, voilà de quoi faire réfléchir chacun de nous avant d’avaler un anxiolytique. Ajoutons que le personnage du docteur Prince est pitoyable à souhait, qu’il traîne son mal-être avec une certaine audace et ne lâche rien pour comprendre ce mystère médical qui occupe toute sa vie. Anna O entre dans la famille des thrillers convaincants à la Paula Hawkins, Gillian Flynn ou Lisa Gardner et c’est un sacré compliment pour Matthew Blake qui signe là son premier roman.

Anna O, Matthew Blake, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Laure Porché, éditions Buchet Chastel, 520 pp, 23 €