Traductrice et professeure de littérature américaine, Anne-Laure Tissut a traduit trois des derniers livres de Paul Auster, Burning Boy (2021), Pays de sang (2023) et Baumgartner (2024). Elle raconte sa relation professionnelle et amicale avec l’écrivain mort le 30 avril.
«Paul Auster avait le souci du mot juste, et de l’économie de moyens, jusque dans ses phrases amples et musicales. Fluide, portée par un lexique recherché et une syntaxique taillée au cordeau, sa prose précise permet au lecteur d’entrer dans le personnage, dont il partage le regard et la voix intérieure. Sous l’effet de cette voix, on redécouvre le quotidien dans ses aspects les plus infimes, avec désormais un regard neuf. Plus que jamais, c’est en portant son attention sur le détail du texte que l’on peut espérer approcher l’intention de l’écrivain, l’esprit de son projet artistique.
«Lors de mon travail sur Burning Boy, Pays de sang ou encore Baumgartner, nous avons échangé par téléphone. Paul Auster m’expliquait les spécificités culturelles états-uniennes et me racontait ses souvenirs, des matchs de base-ball ou des déambulations dans certains quartiers de New York, palpitants de vie. Ses descriptions sont venues illuminer le paysage en noir et blanc de la page. Son regard minutieux sur mon travail était empreint d’une grande tolérance – traducteur lui-même, il connaissait les impératifs et les difficultés de cette pratique.
«L’œuvre en français s’est construite au fil de nos conversations. Et notre relation, au fil des rencontres. La première a eu lieu au festival littéraire malouin Etonnants Voyageurs où j’avais accompagné Percival Everett. Puis, sous le regard amical de Paul Auster, j’ai été l’interprète de Siri Hustvedt lors de ses visites en France. Je garde le souvenir d’un homme à la fois exigeant et bienveillant. Et par-dessus tout, humain.»