Ils foulent d’épaisses couches de feuilles mortes, longent des tas d’encombrants, des casses de voitures, s’aventurent dans des cités, marchent pendant des heures. Elle, Anne Weber, est grande et Allemande, lui s’appelle Hocine, il est franco-algérien et autrefois il se nommait Thierry, par la volonté de son père, un petit entrepreneur du BTP animé d’une envie impérieuse d’oublier ses racines nord-africaines. «Il ne faut jamais voyager dans un pays sans ses habitants», répète Hocine. Et ce pays qui va occuper tout un livre est la Seine-Saint-Denis où Thierry-Hocine est né et a grandi. C’est donc lui qui sert de guide à l’autrice, habitante du XIXe arrondissement avec vue sur le Sacré-Cœur et qui comme pas mal de Parisiens intra-muros n’a jamais vraiment posé ses pieds de l’autre côté du périphérique.
Neuf-trois («93» ayant déjà été pris par Victor Hugo) est le récit de six mois de balades en Seine-Saint-Denis. Ce qui l’anime est la relation d’amitié entre les deux protagonistes. Tous deux manient l’autodérision, se jouent de ce drôle d’assemblage : lui, le «maître», et elle l’intellectuelle devenue «analphabète» en banlieue. Elle demande tout le temps le pourquoi de telle ou telle chose dont la signification lui échappe. Exemple : que font ces hommes à attendre ? Eh bien ce sont des «réparateurs de voitures» à la volée. Quelle est cette polyphonie qui à