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Critique

Années 30, la déclinaison japonaise du fascisme

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Après la guerre, le politiste Masao Maruyama tenta de comprendre comment son pays bascula sans s’appuyer sur les masses.
L'empereur Hiro Hito inspecte à cheval une parade militaire en janvier 1940. (akg-images/akg-images)
publié le 23 décembre 2021 à 3h26

La nature du régime japonais, durant les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale, reste, à certains égards, un mystère que Masao Maruyama (1914-1996) s’est efforcé de percer dans un ensemble de conférences tenues entre 1946 et 1949. Pour le politiste, qui raisonnait à chaud, l’Empire du Soleil levant avait glissé vers le fascisme, mais un fascisme singulièrement différent de ses homologues italien ou allemand. Car le pouvoir ne s’appuya jamais sur des organisations de masse, à la différence du Parti national fasciste ou des SA ; et il muta en s’épargnant une révolution – marche sur Rome ou 30 janvier 1933. La fascisation s’opéra donc par le haut, les forces politiques déjà en place – armée, bureaucratie ou partis – entamant une métamorphose à l’intérieur de l’appareil d’Etat. L’absence de culture démocratique, l’alliance objective entre féodaux et grands capitalistes, comme la nature bien peu démocratique des institutions créées pendant l’ère Meiji (1868-1912) favorisèrent ce glissement, d’autant que la culture politique encensait l’obéissance et déterminait le poids de chaque responsable en fonction de sa proximité avec l’empereur.

Plus hautes destinées

Ce système ne pouvait qu’encourager l’irresponsabilité des dirigeants, prompts à invoquer la figure tutélaire de ce dernier, ou à se réfugier dans leur étroite sphère de compétence, sans jamais tenter de penser ou de proposer une vision globale. Cette irresponsabilité généralisée conduisit le Japon à la guerre, une guerre d’abord et avan