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A priori, Megan Abbott jette dans le même pot tous les clichés du thriller domestique : un jeune couple amoureux, une épouse enceinte, la visite au père du garçon dans un chalet au fond des bois, une domestique mystérieuse et le séjour idyllique qui vire au cauchemar. Et pourtant, la romancière tient bien serrés les fils de son histoire paranoïaque et aucun lecteur ne pourra lâcher ce livre qui joue au yoyo avec le mystère et la claustrophobie.
Jacy, l’héroïne enceinte, n’est pas une oie blanche qui écoute son ventre comme on protège un trésor. Elle est une fille indépendante, amoureuse certes, mais observatrice. La domestique, sortie tout droit de Daphné du Maurier et de son chef-d’œuvre Rebecca (1938), est le personnage le plus intéressant et le plus complexe du récit, se révélant au fil des pages. Quant aux deux hommes, Jed et son père, ils pèsent leur poids de clichés, entre le fils dominé et le père autoritaire jusqu’à la folie. Mais ce qui trouble chez Megan Abbott, c’est sa façon de parler du corps, d’observer la métamorphose de Jacy soudain traitée par son beau-père comme un objet, un réceptacle. En installant cette petite famille au fin fond du Michigan, entre la forêt et l’ombre des pumas (mais si, mais si), l’autrice rétrécit le décor, joue avec la tombée de la nuit et transforme son thriller en conte noir où Jacy devient une belle au bois dormant, sans prince capable de la sauver.
Le précédent Jeudi polar
Les hommes de Megan Abbott ont bien du mal avec leur «masculinité», obligés d’avoir l’air dominants, musclés, héroïques. La romancière brosse avec soin le portrait du mâle made in USA, mais elle poursuit également, au fil de ses livres, une étude sans pitié de la famille blanche américaine où les femmes parviennent à montrer qu’elles ne sont plus des victimes systématiques. Elles lèvent la tête et, s’il le faut, sortent le fusil.