La première fois, la surprise est de mise. Et les suivantes, aussi. On glisse dans le doute, l’interrogation. Le sourire n’est pas loin. Surtout lorsqu’un escalier, une porte, une fenêtre, un auvent, un pont apparaissent inutiles : ils ne débouchent sur rien, mènent nulle part, quand ils ne sont pas tout simplement murés. Surtout quand un arbre, l’ombre portée d’une maison, le frottement d’une branche, un reste de poteau, une pancarte sont comme engloutis, amputés, ou évaporés, dispersés façon explosion atomique et laissent une trace.
L’artiste japonais Akasegawa Genpei (1937-2014) a passé une bonne partie de sa vie à traquer ce léger dérèglement du sens et de l’évidence. Avec un esprit potache et poétique et le sens du collectif, il s’est attaché à saisir et à définir cette irruption de l’inattendu dans la banalité et le quotidien, le familier et l’urbain : les «tomasons», les «beautés de hasard» cachées dans les villes. Personnage inclassable aux talents et curiosités multiples (écrivain, mangaka, plasticien, photographe, chroniqueur, scénariste, etc.), Akasegawa Genpei est le père du tomason : «un objet de dimension conséquente sans plus d’usage, mais joliment conservé, le plus souvent attenant à une construction immobilière», comme l’artiste le définit à la fin des années 80. A ses yeux, ces «objets ne relèvent pas de l’art à proprement parler mais, tout en étant considérés comme inutiles et sans être tenus pour des déchets, font l’objet de soins en vue de leur