Longtemps j’ai voyagé avec Cécile Balavoine sur les lignes Air France. Elle écrivait dans le magazine de cette compagnie que je fréquentais régulièrement pour mes voyages professionnels. Je pratique volontairement ici l’autofiction puisque c’est de cette forme littéraire dont il est question dans ses romans. Dans Au revers de la nuit, Cécile Balavoine décrit un lien pour lequel il n’existe pas vraiment de nom : cette affection que l’on conserve pour un amant de jeunesse, rendue plus singulière encore par sa mort prématurée.
Cela commence un soir d’hiver, au milieu des années 90, dans un train qui traverse les Etats-Unis d’ouest en est. Et c’est la rencontre de l’autrice et d’un jeune homme en décalage avec son temps, vêtu d’un long manteau, de chaussures bicolores, d’un chapeau Borsalino, un personnage des années 30 en pleine époque du grunge. Nous allons découvrir qu’il s’agit de Sasha, un jeune New-Yorkais de retour dans sa ville après quelques années passées à San Francisco et dont l’envie est d’ouvrir un café. Mais qui finira par ouvrir un bar. Un bar à cocktails, quasiment clandestin, sorte de speakeasy, comme à l’époque de la prohibition.
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Vingt ans s’écoulent. C’est maintenant la fin de l’été 2015. La narratrice adulte monte dans un avion. Elle retourne brièvement à New York, où elle a vécu un certain nombre d’années. Au moment de décoller, elle découvre un article du New York Times que vient de lui envoyer une amie : Sasha est mort la veille, subitement, à l’âge de 42 ans. A cet instant, deux décennies après leur rencontre, la narratrice comprend que Sasha était devenu une personnalité de la vie nocturne new-yorkaise. Que n’aura-t-elle pas vu d’autre le concernant durant toutes ces années ?
Le roman, construit sur plusieurs niveaux de temporalité, se lit un peu comme une enquête, ou comme une quête impossible, celle qui consisterait à poser le regard de l’adulte sur cet homme de sa jeunesse. Dans une relecture a posteriori de leur lien, la narratrice va revisiter le passé et tenter de comprendre un homme complexe, déroutant, fantasque, qui incarnait le New York d’alors, mais qu’elle n’avait jamais regardé qu’avec désinvolture.
Le livre se déroule dans les années 90 et 2000, mais aussi en 2015 et en 2022, et il raconte un retour sur un New York révolu. Il interroge aussi les amours atypiques (ils le sont souvent chez Cécile Balavoine). Ces rencontres apparemment fortuites dont on se rend compte, a posteriori, à quel point elles nous ont façonnés.