S’il fallait désigner la plus grande qualité de la Norvégienne Herbjørg Wassmo, on dirait bizarrement : elle y croit. Elle croit à ses personnages. Elle croit que le roman doit dire la vérité sur eux, que la romancière, ou le romancier, doit s’engager à ça, de toute la force de son talent, de toute son humanité. L’autrice de la trilogie le Livre de Dina, de Cent Ans, née en 1942, raconte dans Mon Autre l’histoire d’un couple. Un prologue ultrarapide expédie les prémices. Originaires de la Norvège du Nord, ils se sont croisés avant que leurs trajectoires entrent en collision pour de bon. Elle s’appelle Rut, elle est peintre. Il s’appelle Gorm, il dirige une entreprise et un magasin de confection, une affaire familiale qui lui est revenue de droit, étant non pas l’aîné mais le seul garçon. Ses sœurs n’ont pas eu voix au chapitre. Cette injustice pèse d’autant plus lourd dans les bagages de Gorm que la dépression rode dans la famille. Il hérite de deux suicides et des conséquences d’une relation incestueuse. Peut-être pense-t-il qu’il n’en subsiste que des traces sans danger : l’habitude, par exemple, d’embrasser sa sœur préférée sur le nez.
Gorm a une fille d’un premier mariage. Rut a un fils de 17 ans en 1984 ; le livre court jusqu’en 2019, le téléphone connaît l’évolution qu’on sait. Le fils en question, Tor, a mis en route un élevage de saumons. Comme nous ne sommes pas dans un roman américain, les considérations techniques nous sont épargnées. Il suffit