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L’anecdote laisse sans voix. Laurence et Max ont laissé Charlie, leur fille de cinq ans, se baigner nue dans le lac et les voilà agressés par le propriétaire du camping qui fulmine. «Vous habillez cette enfant immédiatement ou vous décampez !» hurle-t-il. Les jeunes parents ne comprennent pas, sont pétrifiés. La mère est troublée par une «culpabilité diffuse» que rien ne justifie, le père est très vite à bout de nerfs et, à peine commencé, le séjour idyllique prend fin. Max veut repartir tout de suite, en dépit de la nuit qui tombe, de l’orage qui gronde. Ils quittent les lieux au milieu des éclairs, se trompent de chemin, ne parviennent plus à avancer ni reculer, avant d’entendre un cri, comme un appel de détresse. Nous ne sommes qu’à la page 23 et la vie de cette famille ne cessera de basculer dans la terreur et la tragédie.
Andrée A. Michaud met tout en place pour susciter de l’anxiété et faire grimper la tension. Elle a toujours aimé, depuis Bondrée, situer ses fictions dans des décors touffus, des paysages aussi beaux que menaçants et ne faillit pas à sa règle avec Baignades, roman du cauchemar majuscule admirablement construit en circuit fermé. D’un côté, un duo de copains, Simard et Vaillancourt, se laisse submerger par la violence au milieu de cette nuit cauchemardesque. De l’autre une mère et son enfant tentent d’échapper à cette démence. La panique monte, celle des victimes mais également celle de Simard submergé par sa monstruosité et sa peur. Rapidement, tous les protagonistes sont dépassés par les événements.
Boucler la boucle
Puis, une deuxième partie vient en contrepoint. Quatre ans après cette nuit folle, on retrouve Laurence et sa fille Charlie dans une réunion de famille qui devrait apaiser tout le monde. Mais pas avec Andrée A. Michaud, maîtresse de cette seconde histoire qui finira par boucler la boucle. La romancière n’a aucune confiance en la nature humaine et la fin de ce livre, puissante et tragique, le prouve une nouvelle fois. Il faut saluer son écriture, teintée d’expressions québécoises, mais aussi son sens du rythme, d’abord porté par l’urgence puis faussement adouci. Tout est soigneusement étudié, formidablement orchestré. Baignades est un roman noir, un thriller, une fiction psychologique, un grand livre.