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Libération
Critique

Bérénice Pichat, bonne et due forme

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«La Petite Bonne» narre une histoire ancillaire dans laquelle le corps est aux premières loges, dont celui du patron, massacré par un obus à la guerre de 14.
Une chanson de gestes d’une dominée. (Marka. Touring Club/Getty Images)
publié le 6 septembre 2024 à 16h06

Paris, années 1930. Une jeune bonne à la vie dure est engagée par un couple de bourgeois. On connaît leurs prénoms et leur nom, Alexandrine et Blaise Daniel. On ne connaîtra pas ceux de la bonne : sa fonction efface son identité. La «petite bonne», ou «la bonniche», a droit à un régime narratif particulier. Sa vie et sa conscience s’expriment en vers brefs, fer à gauche, comme dans ce poème de Georges Perros, Une vie ordinaire ; comme dans le livre de Joseph Ponthus, A la ligne, où celui-ci contait une expérience en usine. Mais pas tout à fait, son point de vue étant exprimé à la troisième personne : «Globalement ses employeurs sont contents /Ponctuelle /Discrète /Efficace /Rien à redire /Sauf madame Pinchard /Celle-là redit à tout /Il ne faut pas trop l’écouter /Au début, ça la rendait malade /Les phrases glacées /jetées /Les réflexions /les claquements de langue /désapprobateurs /Elle s’y est faite /On se fait à tout /disait sa mère /sa pauvre mère /Elle ne compte pas finir comme elle /Au bout du bout», etc. Les majuscules font office de ponctuation. Plus loin : «Elle a autre chose à faire /que du ménage /en peine nuit /pour des gens qui claquent la langue /en soulevant le tapis». Il y a aussi, dès la première page, un autre régime poétique : un poème plus bref, à la première personne, en caractères plus étroits, imprimé fer à droite : «Les cent pas /j’aimerais pouvoir les faire /réellement /Ici c’est cinq pas dans la longueur /