Pendant que l’Islande déplore le rétrécissement de ses glaciers sous le coup du réchauffement climatique, Bergsveinn Birgisson, né en 1971 à Reykjavík, consacre un roman à un autre phénomène, moins médiatique, plus diffus : la déperdition de la chaleur humaine. C’est le titre même du livre et les deux principaux protagonistes sont toujours partants pour épiloguer sur ce trait contemporain. «Le point de départ du système économique est incompatible avec la chaleur humaine et celui qui veut vivre conformément à un sens profond de la justice a vite fait de faire faillite», dit le narrateur à celui qu’il ne cesse d’appeler «mon ami dépressif». Ce qui a un effet comique, car ledit ami s’avère souvent le plus entreprenant et le plus enjoué du duo.
Quand commence le livre, les choses semblent plus claires. «L’ami dépressif», un écrivain qui a eu son heure de gloire, est interné dans un hôpital psychiatrique et le narrateur, attaché à cet homme, va le voir. Il veut le remettre sur pied. L’autre est rétif, désagréable même, et le renvoie à ses propres défaillances. Le visiteur, il est vrai, ne va pas si bien. Il vit mal les suites d’un divorce, son travail lui pèse, il a lu des manuels de neuropsychologie et a posé le diagnostic : atonie affective. «J’étais en quelque sorte un pauvre diable creux.» Autrement dit : «Je pensais qu’il n’y avait aucune impulsion électrique dans mon lobe frontal à moi.»
Dans la chambre d’hôpital, le narrateur qui veut fair