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Roman

Bernard Bourrit, précis de destruction

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Dans «Détruire tout», l’auteur épluche les motifs et l’environnement d’un féminicide en Suisse rurale dans les années 60.

Bernard Bourrit, en janvier. (Nicolas Schopfer )
Publié le 24/10/2025 à 15h26

Détruire tout ouvre sur la description d’une photo parue dans un journal : un jeune homme d’une vingtaine d’années, en costume, escorté par la maréchaussée, sans menottes. Le prévenu a «des mains de musicien» mais aussi «des mains homicides». Le livre commence par la fin : il y a eu un crime et l’on juge l’assassin. Le journal, la photo, sont déjà comme des indices d’une véracité : il y a une vieille tradition littéraire à piocher dans les colonnes de la presse des histoires de meurtres effroyables pour féconder des fictions ou des récits. Bernard Bourrit a d’ailleurs averti d’emblée que «le fait divers, trouvé au hasard d’une fouille, formait un bloc durci, il s’est agi d’en briser l’écorce pour dénoyauter le fond d’époque dont le présent provient». Et c’est bien ainsi que l’écrivain procède, en décortiquant tout : les lieux, les vies, les milieux sociaux, les motivations, le temps qu’il faisait, les intentions de l’entourage, etc. On n’entre pas dans ce livre comme dans un polar divertissant. C’est une mécanique de précision, un dossier à charge et à décharge, un impressionnant dispositif à engrenage qu’on peut difficilement lâcher. Même si on en connaît l’issue.

Le mot féminicide ne sera jamais écrit

L’histoire s’est passée dans les Préalpes suisses dans les années 60. Le jeune homme de la photo, l’auteur l’appelle Alain, a tué sa petite amie Carmen. On songe immédiatement à un féminicide, mais le mot ne sera jamais écrit et pour cause, «il n’y avait pas, en 1968, de catégorie spé