C’était le 17 mars 1976, quatorze mois après la première d’Apostrophes. Un match de foot mythique. Battu 2-0 en match aller des quarts de finale de la Coupe des clubs champions (l’ancien nom de la Ligue des champions) par le Dynamo Kiev, l’AS Saint-Etienne s’impose 3-0 au retour, poursuivant son parcours dans la compétition reine qui s’achèvera par une autre rencontre d’anthologie mais douloureuse, la défaite en finale à Glasgow contre le Bayern Munich (2-0). Bernard Pivot était dans les tribunes à Saint-Etienne comme en Ecosse. A cette époque, l’animateur, mort ce lundi 6 mai à 89 ans, bascule définitivement dans le camp des Verts malgré ses origines lyonnaises.
🖤 Il aimait les mots, il aimait les Verts ! Bernard Pivot s’est éteint.
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) May 6, 2024
L’ASSE salue cet homme de lettres, né de l’autre côté de la frontière ligérienne, mais entraîné, comme bien d’autres, par la passion stéphanoise.
À ses proches, nous présentons nos sincères condoléances. pic.twitter.com/WI5ltC76Aa
Il n’y avait de toute façon pas match à l’époque entre les besogneux de Lyon symbolisés par Raymond «le boucher» Domenech, sa moustache et ses tacles assassins, et des Stéphanois qui enthousiasmaient la France par leurs épopées européennes dans le sillage du chevau-léger Dominique «l’ange vert» Rocheteau, ses boucles brunes et son but décisif contre Kiev. La France politique était giscardienne, la France du foot était verte et la France littéraire «apostrophée», aimantée par un homme qui racontait qu’à l’issue de sa formation au Centre des formations des journalistes, à la fin des années 50, il rêvait d’entrer à l’Equipe avant de signer au Figaro littéraire.
«Paul Pogba est un personnage d’Alexandre Dumas»
Dingue de foot, Pivot consacrera même à son club de cœur un livre (le Football en vert, 1981) qui ne méritait certainement pas un passage dans sa propre émission. Il s’était même donné pour mission de faire lire les joueurs de l’équipe de France, auxquels il fournissait régulièrement quelques centaines d’ouvrages à l’occasion des rassemblements des Bleus avant les grandes compétitions. «C’était une sorte de petite librairie où tous les genres, ou à peu près, étaient représentés, a-t-il raconté à l’Equipe. Il y avait des romans qui venaient de paraître, des polars, de la science-fiction, de l’histoire, des livres érotiques, des bandes dessinées.»
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Bien sûr, le journaliste qui avait commenté la Coupe du monde 1986 sur Antenne 2 et avait chroniqué le Tour de France pour le JDD s’était prêté aux jeux des comparaisons. A l’issue de la finale de la Coupe du monde 2018 remportée par la France il commentait : «Paul Pogba est un personnage d’Alexandre Dumas», «Antoine Griezmann est plutôt stendhalien»… Quant à Didier Deschamps, il serait «un personnage positif de Zola» : un travailleur appliqué et modeste. Pas de quoi révolutionner l’analyse footballistique, mais quand on aime les livres et le ballon rond, on ne compte pas…