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Argentine

Biographie : Mariana Enríquez et le mystère Silvina Ocampo

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Le cahier Livres de Libédossier
La romancière argentine a enquêté sur sa compatriote née en 1903 et morte en 1993. «La Petite Sœur» rend compte de la vie hors norme de la grande nouvelliste aux textes empreints d’ingénuité diabolique.
Silvina Ocampo allongée sur un banc, place des États-Unis, à Paris, en octobre 1973. (Pepe Fernández)
publié le 13 septembre 2024 à 13h14

Imaginez que vous êtes un insecte posé sur la branche d’un cèdre, à l’été 1910, dans le parc de la richissime famille Ocampo, près de Buenos Aires en Argentine. Silvina, 7 ans, sœur cadette d’une fratrie de cinq filles, a grimpé près de vous et soudain, l’insecte, avec ses yeux, ses mandibules, c’est elle. Elle observe les mendiants qui passent près du parc pendant que les autres, dont sa sœur aînée Victoria, la dominante, font la sieste. Elle observe comme elle fera toujours, en silence, les yeux fixes, avec ou sans ses grandes lunettes blanches à verres opaques : elle dévore en silence ce qu’elle devient. Plus tard, dans son grand poème autobiographique, Inventions du souvenir, elle écrira que les mendiants étaient «de la couleur des feuilles mortes ; /ils n’étaient pas faits de chair et d’os, /ils étaient couleur de terre, ils n’avaient pas de sang». Nous voilà dans une de ses alvéoles, celle qui rappelle la Nuit des morts vivants ou Walking Dead, mais en version confidentielle, comme un rêve innocent et cruel fait au fond d’un jardin plein de sous-bois et de cadavres un peu enterrés.

Il y a d’autres alvéoles dans les textes de Silvina Ocampo (1903-1993), pour la plupar