«Je ne sais pas si c’est moi qui ne reconnais plus mon pays, annexé par son armée et réduit au silence honteux de la garde à vue et du garde-à-vous, ou si c’est lui qui me rejette parce que je porte mal l’uniforme de la soumission héroïque et que je ne sais pas tenir le pas synchrone dans la parade.» Boualem Sansal a écrit ces lignes dans le Français, parlons-en !, un livre paru en septembre dernier aux éditions du Cerf. Depuis, l’écrivain de 75 ans n’est pas en garde à vue, mais en détention. Il a été arrêté le 16 novembre 2024 dans son pays natal pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Boualem Sansal, romancier édité chez Gallimard et dont les textes sont censurés en Algérie, est également français. Il a été naturalisé récemment, en même temps que Kamel Daoud, autre auteur franco-algérien passé chez Gallimard à la faveur de son dernier roman, Houris, récompensé en novembre par le Prix Goncourt.
«Quelque chose d’énorme allait se produire, et changer brutalement le cours de ma vie»
A la fin de la décennie noire, Boualem Sansal, ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique d’Alger, institution qui était à l’époque d’un excellent niveau, est devenu écrivain. Lui l’hyper-rationaliste, et c’est là une intéressante contradiction, déploie dans ses livres une langue baroque, lyrique, imaginative avec laquelle il s’en prend à la politique algérienne, ins