Parfois, dans la plus pure répétition survient l’inattendu. Quelque chose se passe et fait basculer les certitudes. Quatre amis se retrouvent chaque premier samedi du mois depuis dix ans dans un restaurant vietnamien du quartier de l’Opéra à Paris. Un lieu désuet, peu fréquenté, tenu par Vuong, un Vietnamien hors d’âge comme son établissement. «Nous ne tirions aucun avantage de ces dîners qui étaient tout sauf des repas d’affaires. Seuls l’amitié et le plaisir de nous retrouver nous réunissaient. En plus de nous connaître depuis plusieurs décennies, nous avions tous voyagé et passé de nombreuses années à l’étranger, en poste ou sans poste bien défini, et ces expériences avaient, pour le dire brièvement, relativisé notre point de vue d’Occidentaux.» Le narrateur ne sert qu’à introduire la situation, qui n’est au fond qu’un prétexte au voyage. C’est Marco qui commence à parler, et tout le roman ou presque – parfois on surprend Vuong apporter des plats ou Marco le prendre à témoin -, se présente comme un long récit. Ce dîner du mois de mai s’apparente à une éclosion, dans la barge immobile d’un décor de moleskine rouge usée. Malgré la ficelle narrative familière du début, l’histoire que raconte Marco avec mélancolie porte une gravité qui présage un drame. Le lecteur se tait, saisi comme les trois autres.
Le restau vietnamien joue évidemment le rôle de la plateforme d’envol pour l’Asie, dans le même lieu qui donne son nom à l’enseigne, Dalat, ville des hauts plateaux du ce