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Roman

«Bristol», de Jean Echenoz : parodie perdue

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Le cahier Livres de Libédossier
Le romancier dresse le portrait millimétré d’un cinéaste de troisième ordre.
Jean Echenoz en 2019, chez lui à Paris. (Eric Garault/Pasco)
publié le 3 janvier 2025 à 14h12

La chute des corps est une conséquence des lois de l’attraction. C’est aussi le centre, d’une gravité légère, dans certains romans de Jean Echenoz, dont celui-ci, le seizième, titré Bristol : plus les corps (et les illusions) tombent, plus les phrases montent, comme des nuages de poussière s’élevant des ruines que la chute a provoquées, pour finir en mirages. Bristol, prénom Robert, est un cinéaste de troisième ordre. Il prépare le tournage d’un film d’aventures en Afrique australe, l’Or dans le sang. Il va voir son producteur qui cherche des sous. Au moment où il sort de chez lui, cette scène de film : un homme tombe du cinquième étage de son immeuble. «Corpulent, peau laiteuse et piquetée de roux, cheveux blond vénitien clairsemés, l’homme au sol repose à plat ventre avec ses bras et jambes en croix. On dirait, échoué à marée basse, un gros et vieux poisson doté de quatre membres suggérant les points cardinaux.» Qui est-ce ? L’a-t-on tué, s’est-il tué ? On ne l’apprendra qu’à la fin du livre, et c’est sans importance.

Les résidents s’agglomèrent autour de la bête humaine échouée. D’autres bêtes apparaissent plus tard, métaphoriques ou non, un éléphant discipliné sur le tournage, une tortue géante dans un rêve, enluminures décrites avec un soin de moine médiéval. Créatures de foire évoluant dans des décors de carton-pâte assez bien faits pour que l’artifice ne fasse rien regretter de la réalité. Bristol a beau être cinéaste, il n’a rien vu. Un homme est