Il est des livres comme des voyages, ils vous embarquent ou pas, vous pouvez faire du sur-place tout en avalant les kilomètres, question d’état d’esprit, de compagnie, d’environnement, de talent. Dès les premières lignes de ce livre-là, nous étions déjà loin, dans le temps comme dans l’espace, revenue à une époque où les îles lointaines donnaient l’envie irrésistible de partir. «A quelques encablures du centre-ville de Medan s’étale un curieux quartier, ensemble de vieilles bâtisses pour l’essentiel abandonnées, maisons grises et sombres qui ont résisté, tant bien que mal – et souvent plus mal que bien –, à l’outrage des ans. C’est là que, à peine arrivé au cœur de l’immense île de Sumatra et mû par mon habituel penchant pour la quête du temps jadis, j’allais passer mon premier soir à Medan.» Grand reporter au Monde pour lequel il a sillonné l’Asie, basé tour à tour à Katmandou, New Delhi, Pékin et Bangkok, Bruno Philip est un journaliste à part dans la galaxie des médias. Solitaire tout en étant perpétuellement en quête de compagnie pour partager un verre et la nostalgie du temps qui passe, curieux de tout et désabusé, adepte du temps long, et surtout plume de poète même à 3,5 grammes d’alcool dans le sang. Il ne se gêne pas pour le mettre en scène dans cet Archipel des ombres, voyage en Indonésie autant qu’à l’intérieur de lui-même.
Fascination morbide
«Je m’étais préparé à la soirée en respectant une recette éprouvée, propice à assurer le succès d’une claudication déam