Avant, Camille Claudel ne représentait pour moi que le nom d’une classe de seconde de mon collège-lycée, jusqu’à ce que je lise cette bande dessinée. Ecrite par Monica Foggia, elle retrace l’histoire de la sculptrice, une femme courageuse qui n’hésite pas à poursuivre ses rêves au prix de nombreux sacrifices. Les dessins de Martina Marzadori sont semi-réalistes, au crayon de couleur, et leurs tons chauds nous plongent dans l’univers de la fin du XIXe siècle. Par un découpage inhabituel, l’illustratrice fait éclater les codes classiques de la bande dessinée : certains dessins sont pleine page, d’autres s’enchevêtrent les uns avec les autres et les bulles sortent souvent des cases. Je trouve qu’ils sont harmonieux grâce aux dégradés, aux contrastes et aux courbes.
Camille Claudel, née en 1864, a dû faire face aux critiques qui ne manquèrent pas d’essayer de la décourager, à commencer par celles de sa mère dans son enfance. Elle s’oppose d’ailleurs à celle-ci et ne se laisse pas faire par ses remarques : «Camille, tu devrais avoir honte ! Les demoiselles de bonne famille ne se salissent pas !» «Pour créer, il faut se salir… Même Dieu l’a fait !» répond Camille. Malgré son génie, son talent n’a jamais été réellement reconnu de son vivant. Plus tard, un passage illustre cette injustice : «Moi, une femme, je voulais être libre d’aimer ? Libre de me réaliser ! “Une folle”, murmuraient-ils. Ils hurlaient “une folle” avec leurs voix et leurs regards.» Elle s’est battu toute sa vie pour trouver sa place en tant que femme dans un monde qui n’admet que la réussite des hommes.
Lorsqu’elle a 21 ans, son père décide de déménager à Paris pour lui permettre de réaliser son rêve. Elle devient ensuite le modèle et l’amante d’Auguste Rodin, avec qui elle entretient une relation confuse et tourmentée. Peu à peu, vivre dans son ombre lui devient insupportable et elle développe des problèmes mentaux. Elle meurt en 1943 dans un hôpital psychiatrique où sa famille a décidé de l’interner. Un an plus tard, les femmes obtiennent le droit de vote en France.
Je trouve que cette biographie illustrée rend un très bel hommage à cette sculptrice en évitant d’insister sur sa maladie mentale pour lui rendre justice. A la fin, on retrouve quelques pages sur sa vie, mais cette fois sous forme de texte, ainsi qu’une bibliographie, une filmographie et même une sitographie, nous permettant d’en apprendre encore plus sur elle.