Menu
Libération
Roman

«Ce que je sais de monsieur Jacques», l’ogre de la Médina

Article réservé aux abonnés
Dans le troisième roman de Leïla Bahsaïn, se croisent des jeunes proies et un pédophile chic et français dans le Marrakech des années 1990.
Leila Bahsain, à Paris, en septembre 2023. (Astrid di Crollalanza)
publié le 6 avril 2024 à 2h17

Avec Ce que je sais de monsieur Jacques, son troisième roman, l’écrivaine marocaine Leïla Bahsaïn livre un roman d’initiation qui prend la forme d’une fresque sociale sans concession. Loula, la narratrice adolescente qui voit son corps se transformer et tente désespérément de «dompter [s]es seins», écrit avec un dictionnaire comme pour être au plus près de l’horreur et de ses duretés. Elle raconte l’enfance d’une génération marquée au fer rouge des violences. Leurs aînés sont lâches, complices et coupables de «non-protectorat». «Les adultes ne voient pas, et refusent de voir, et voient et ne disent rien», constate la narratrice. L’œil collé au judas, elle observe les déambulations de pauvres hères. Où vont-ils ? Dans l’antre d’un ogre à l’appétit insatiable. Le vilain porte un nom énigmatique: «monsieur Jacques». Ce que l’on sait de lui ? Pas grand-chose. Il est aérien, hors réalité. Hors sol. Il navigue sur son vélo à guidon en cornes et à selle haute. Jacques est beau. Jacques est svelte avec un corps musculeux mis en valeur par son marcel et son short cintrés. Jacques est chic ! Jacques est français. «Et les Français ont toujours raison, on leur donnerait même le bon Dieu et l’Enfant Jésus et la Vierge Marie sans confession et sans distinction de bonnes et de mauvaises actions», regrette Loula. Jacques est installé confortablement dans le Marrakech des années 1990. L’esthète a droit à son hymne macabre que les enfants chantent clandestinement :