La mémoire est une matière fragile et celle des travailleurs, soluble dans le récit scolaire des grands événements, finit trop souvent par disparaître. Il existe, bien sûr, un panthéon rouge où trônent les figures majeures des révolutions, de l’histoire des idées, mais comment retrouver les mots et les gestes des ouvriers eux-mêmes ? Loin des grandes théories et des clichés, la collection «Archives du travail» des éditions Classiques Garnier se donne comme objectif de publier des textes «oubliés ou inédits», à chaque fois décryptés, mis en perspective par des spécialistes du sujet. Les deux premiers volumes viennent d’être publiés.
«A quoi pouvait ressembler le monde du travail avant 1914, à la Belle Epoque ?» se demande, dans la préface des Frères Bonneff, reporters du travail, l’historien Nicolas Hatzfeld. L’ouvrage qu’il présente y répond avec une richesse de détails, comme un documentaire qui ausculterait par le menu les métiers, les ouvriers, les classes populaires. Sont rassemblés ici 100 articles parus dans l’Humanité parmi les quelque 370 qu’ils ont publiés dans le journal de Jean Jaurès et la Dépêche de Toulouse. Et même sans images, on est projeté dans un monde souvent présenté, par d’autres, comme une masse informe ou symbolisé par des individus, des chiffres parfois.
«Trafic des