Déjà poursuivi en Algérie, Kamel Daoud est désormais visé par une procédure en France. L’écrivain a été assigné en justice, jeudi 13 février, pour non-respect de la vie privée par Saâda Arbane, une femme algérienne qui l’accuse d’avoir volé son histoire devenue trame du prix Goncourt 2024, Houris (Gallimard), ce que l’écrivain réfute. Une première audience de procédure est prévue le 7 mai après-midi au tribunal judiciaire de Paris.
Enquête
Houris, qui désigne dans la foi musulmane les jeunes filles promises au paradis, est un roman sombre se déroulant en partie à Oran sur le destin d’Aube, jeune femme muette depuis qu’un islamiste lui a tranché la gorge le 31 décembre 1999. Un personnage que Saâda Arbane estime calqué sur son histoire, comme elle l’avait affirmé mi-novembre sur la chaîne algérienne One TV.
Un «caractère fortuit» «totalement impensable»
Dans son assignation, qui est appuyée par de nombreuses attestations, Saâda Arbane demande 200 000 euros de dommages et intérêts ainsi qu’une publicité de la condamnation éventuelle, car un «caractère fortuit» de la ressemblance est «totalement impensable». Le texte affirme que Saâda Arbane a été suivie entre 2015 et 2023 en consultation par une psychiatre devenue épouse de Kamel Daoud en 2016, Aicha Dehdouh. La requérante ne souhaitait pas que son histoire devienne publique et «n’a jamais donné son accord pour que son récit soit utilisé par Kamel Daoud», insiste l’assignation, «en dépit des trois demandes» alléguées, entre 2021 et cet automne.
Le document liste plusieurs dizaines de passages d’Houris quant à la famille de l’héroïne, à l’attentat qu’elle a subi, à ses cicatrices ou ses tatouages. Ils sont considérés comme proches de la vie Saâda Arbane et donc comme des preuves du «pillage» allégué. «Cette procédure, dans l’histoire judiciaire des atteintes à la vie privée, sous couvert de fiction, est absolument exceptionnelle», ont indiqué à l’AFP Me William Bourdon et Lily Ravon, avocats de la demanderesse.
L’écrivain franco-algérien, déjà visé par une plainte de Saâda Arbane dans son pays d’origine, avait affirmé mi-décembre sur France Inter que cette histoire était «publique» en Algérie mais aussi que son roman «ne raconte pas (la) vie» de Saâda Arbane. Son éditeur Gallimard avait lui dénoncé les «violentes campagnes diffamatoires orchestrées (contre l’écrivain) par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature». Houris ne peut pas être édité en Algérie, car il tombe sous le coup d’une loi interdisant tout ouvrage sur la décennie noire entre 1992 et 2002, qui a fait au moins 200 000 morts, selon des chiffres officiels.