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Jeudi polar

«Châtiment», une Amérique pleine de boue et de haine

Dans son nouveau roman, Percival Everett continue à entremêler les codes du polar et du western pour raconter un monde dominé par le racisme.
Percival Everett. (Michael Avedon)
publié le 18 janvier 2024 à 13h45

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Dans la petite ville de Money (Mississippi), on continue de se méfier des Noirs. Les Rednecks, adeptes de Donald Trump, ne valent pas mieux que leurs ancêtres du Ku Klux Klan. Alors, quand on découvre une série de meurtres d’hommes blancs, défigurés, étranglés au fil de fer barbelé et mutilés, la haine monte en flèche. D’autant plus qu’à côté des corps, se tient à chaque fois un second cadavre, celui d’un Noir, toujours le même, qui apparaît et disparaît. Et ce fantôme ressemble à Emmett Till, lynché dans les années cinquante. Son histoire est restée dans les mémoires de la cité car l’adolescent avait été accusé d’avoir sifflé une jeune fille blanche. Il n’en fallait pas plus pour le condamner à mort.

A cette histoire criminelle, Percival Everett ajoute un duo de flics black, Jim Davis et Ed Morgan, un peu cinglés et franchement drôles, qui vont travailler sur l’enquête avec le shérif de Money. Le passé ne va pas tarder à remonter avec ses remugles de vengeance et de racisme qui dit clairement son nom.

Percival Everett est un malin, il fait passer l’horreur à coups de grosses blagues et d’humour grinçant. Il joue avec les codes du polar ou du western et ajoute une pincée de fantastique pour brouiller les pistes et faire durer le plaisir. «Quand on veut connaître un endroit, on parle à son histoire», explique Mama Z, vaguement sorcière, à Jim et Ed, les deux enquêteurs. L’explication est simple et juste.

On sent bien que le romancier connaît ses classiques, qu’il a lu Chester Himes et adoré ses personnages fétiches, Ed Cercueil et Fossoyeur Jones. Entre deux scènes de crime, Percival Everett brosse un portrait de l’Amérique pleine de boue et de haine. L’affaire se termine devant une chambre froide mais pas question d’en dire plus.

Châtiment, Percival Everett, traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, éditions Actes Sud, 368pp, 22,50 €