Chez le poète Henri Michaux, Pon naquit d’un œuf. Ici, Chemoule, «un chat français» (à prononcer avec une intonation chauvine et de mauvaise haleine : «C’est français, madame !»), naquit d’un placard : «Mon cœur désire être loin de moi devant moi une fois ma cage cassée, mon cœur est le petit pois rouge qui palpite dans l’univers noir du noir des aveugles ; ainsi je nais du noir et du rouge comme tout le monde.»
Voilà pour la première page du livre, récit de genèse en forme d’explosion symphonique, beau comme l’ouverture de la Schöpfung (1798) de Haydn : irrésolu, vacillant, chaos percé de lumière et absolument vivant. Chemoule est un chat qui pense et Nathalie Quintane en retranscrit l’endophasie. Il n’est pas le premier félin autofictif à s’exprimer : le Prussien Hoffmann avait inventé en 1821 le Chat Murr, qui déchirait un manuscrit de son maître pour griffonner sa vie au dos des feuillets de celui-ci. Nathalie Quintane n’est pas non plus la première écrivaine à sortir radicalement du champ où on l’attend (l’ironie politique) pour faire semblant de gâtifier :