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Libération

Chris Kraus, legs brun et virée beat

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Dans ce second roman traduit, le romancier allemand offre une plongée déjantée dans le New York des années 90, tandis que ses hantises familiales liées à son grand-père SS ne le lâchent pas.
Chris Kraus, le 5 février, à Berlin. (Maurice Weiss/Ostkreuz pour Libération)
par Frédérique Fanchette et photo Maurice Weiss. Ostreuz
publié le 13 février 2021 à 8h05

Vous me copierez dix fois : «Je ne tournerai pas de film à la con sur les nazis.» A l’entrée du roman, le narrateur de l’Allemand Chris Kraus affiche sa résolution en multiples exemplaires, précédées à chaque fois d’un numéro, comme pour bien enfoncer le clou dans son crâne. Parlons justement de tête. Dans le précédent livre, la Fabrique des salauds, le personnage principal, un ancien SS, était hospitalisé, avec une balle indélogeable dans le caisson. Cette fois le beaucoup plus sympathique Jonas Rozen, étudiant en cinéma, a un «ciboulot-en-porcelaine» : il a eu un accident de moto, une cicatrice zigzagante parcourt son cuir chevelu, avec un petit air de Frankenstein, et le moindre coup risque de déclencher chez lui des troubles neurologiques. Cette fragilité donne au personnage une distance par rapport à ce qu’il vit, d’emblée séduisante.

Jonas ne se voit pas vivre vieux et il n’y aura pas de suspense. Travelling dans le futur : on apprend tout de suite qu’il a fait une chute mortelle en montagne. Sa fille raconte. Elle se nomme Puma Rozen et rappelle l’étrange karma de son père, toujours à deux doigts de mourir. «Il était porté sur la catastrophe et moi sur l’inquiétude existentielle, ce qui nous conduisait sur des territoires de chagrin bien différents.» L’intermédiaire va s’effacer pour la bonne marche du roman, construit de façon presque banale. Un tiers rend compte d’une trouvaille, les écrits d’un disparu ou d’un inconnu. Ici c’est le journa