On pourra lire Cinq dans tes yeux pour le portrait sensible et charnel qu’Hadrien Bels brosse de Stress, le narrateur. Célibataire, caméraman occasionnel dans des mariages nord-africains, Stress fréquente les mondes marseillais de l’art et de la culture avec une familiarité que lui permettent sa peau blanche et le capital culturel que sa mère lui a transmis. Mais du Panier de Marseille, où il a grandi dans les années 1980, alors que le quartier abritait les communautés les plus précaires et cosmopolites du centre-ville, Stress s’est approprié des codes virils et matériels qui le placent en porte-à-faux. S’il ne s’est jamais tout à fait assimilé aux habitants, il se sent l’un des leurs au contact des artistes et des producteurs, des héritiers et des «venants», entendez par là les bobos parisiens en mal de peuple. Un documentaire sur la gentrification du Panier et le devenir de ses amis d’enfance aurait permis à Stress de raccorder ses deux appartenances mais d’autres le réalisent plutôt que lui. Dès lors l’autofiction prend des airs de revanche : elle permet de dire les sociabilités juvéniles, l’amitié, la violence, les sorties, la bande, surtout Nordine, Djamel, Ange, Kassim, Ichem, puis leur dispersion à l’orée de l’âge adulte. Elle saisit la fuite du temps que Stress éprouve face aux trajectoires continuées des uns ou des
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«Cinq dans tes yeux», un itinéraire marseillais
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Marseille, France - 14/07/2012
Quartier de Noailles. (Yohanne Lamoulère/Tendance Floue)
par Laurence Montel historienne
publié le 19 juin 2021 à 2h09
Enquête Libé
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