Les lettres de Clarice Lispector sont difficiles à déchiffrer. «Je n’ai jamais vu âme aussi laide que mon écriture», écrit à 21 ans la Brésilienne, née en 1920 et morte en 1977, dont les éditions Des femmes-Antoinette Fouque proposent une «édition intégrale» de la Correspondance reprenant les divers volumes déjà parus au fil des années et riche d’inédits. Son premier roman, Près du cœur sauvage, paraît en 1944 et, pour se défendre d’un éreintement, Clarice Lispector écrit «que je ne connaissais ni Joyce ni Virginia Woolf ni Proust quand j’ai fait ce livre», auteurs dont elle est accusée d’être la «représentante de commerce». Mais ses lettres ne cessent surtout de dresser des autoportraits complexes : «combien j’ai appris à être patiente, combien il est pénible d’être patiente» ou : «mon équilibre est si fragile que j’ai besoin d’un excès de sécurité pour me sentir à peu près en sécurité». Comme son mari est diplomate, jusqu’à leur séparation et son retour définitif au Brésil en 1959, elle est à Naples, à Berne et à Washington (et quelques mois à Torquay, en Angleterre), de sorte que l’immense majorité des lettres date de ces années-là. Description de Berne, avec son silence, ses rues calmes et ses maisons qui semblent vides : «On a envie d’être vache laitière et de brouter de l’herbe un après-midi entier jusqu’à la nuit. Le fait est qu’on n’est pas cette vache, et qu’on reste à regarder au loin comme si pouvait arriv
Comment elle écrit
Clarice Lispector, la belle et «la Sphinx»
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Clarice Lispector. (Archives familiales)
par Mathieu Lindon
publié le 19 décembre 2021 à 15h01
Enquête Libé
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